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Questions à l'étude des loges

En quoi le revenu universel nous interroge-t-il sur notre relation au travail ?

Le revenu universel s’inscrit déjà dans une longue histoire.

L’idée d’allocation versée aux plus pauvres par la puissance publique et non plus par la charité privée naît dans le mouvement humaniste de la Renaissance.

On situe généralement les origines du concept d’allocation universelle à L’Utopie de Thomas More, publié en 1516. Dans l’île imaginée par More, chacun est assuré des moyens de sa subsistance sans avoir à dépendre de son travail. 

Créé par la loi du 1er décembre 1981, le revenu minimum d’insertion (RMI) visait à rompre avec le principe de spécialité qui régissait jusque-là les différentes prestations et à assister les plus démunis.

Les idéologies et religions s’emparent aujourd’hui d’un débat qui revient dans l’actualité.

Les sociaux-démocrates y voient un excellent moyen de redistribuer une partie de la richesse collective. Les libéraux, une formidable justification pour alléger les salaires et flexibiliser le marché du travail, une sorte de « solde tout compte ». Quant aux humanistes, ils insistent sur l’attention qui doit être accordée à chaque être humain, du simple fait de son existence et de son appartenance à la collectivité. Le revenu universel doit s’étudier en corollaire de notre devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.

Dans nos sociétés contemporaines, la pauvreté et les inégalités progressent. Malgré une sécurité sociale construite après 1945, basée sur la solidarité, le taux de pauvreté augmente : 14,1 % soit environ 8,8 millions de personnes en France.

Le GODF travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.

Article Premier de la Constitution du GODF

Le revenu universel touche à l’aspect moral, intellectuel, matériel et social de l’homme,

Peut-on définir en préalable le revenu universel et le travail ?

Le revenu universel serait versé à tous. Il peut être inconditionnel (sans condition de ressources, d’âge) et versé à vie ou être versé progressivement suivant des critères liés aux inégalités sociales. Il interroge sur les ressources de financement, les conditions ou non d’attribution, la relation au travail, la production de richesse…

Le travail dans nos sociétés occidentales prend différentes formes. Quelques exemples : salariat, professions libérales, statut d’autoentrepreneur, chef d’entreprise, vente à domicile, travail social et solidaire… Il peut être subi, choisi, être épanouissant, mais peut aussi générer de la souffrance. Il peut être élargi aussi à l’activité humaine d’apprentissages divers, formation, pratiques d’activités culturelles sportives ainsi qu’aux activités sociales, bénévoles, rémunérées ou non qui procurent bien être et épanouissement.

L’homme pratique ces activités et travaille tout au long de sa vie.

Le travail comme une finalité, un accomplissement personnel.

Le revenu universel permettrait de satisfaire les besoins essentiels de l’homme dans sa vie : se nourrir, se loger, s’instruire, se soigner ; sa dignité d’homme serait garantie pour devenir un homme social, épanoui. La pyramide de Maslow reprend et hiérarchise les différents besoins de l’homme : besoins physiologiques, besoins de sécurité, besoins d’appartenance, besoins d’estime et besoins d’accomplissement personnel. Le travail libère, devient une finalité humaine qui socialise, il permet de s’intégrer à la société. Il suppose également que dans une société idéale, le plein emploi existe pour permettre à chacun de vivre dignement et solidairement. L’économie sociale et solidaire responsabilise les acteurs économiques ainsi que les coopérateurs.

Le travail considéré comme un moyen.

Dans ce cas, le travail est une obligation, une nécessité pour avoir un revenu qui permet de satisfaire les besoins primaires. Dans notre société, le plein emploi n’existe pas. Malgré les politiques économiques menées depuis plusieurs décennies, le chômage augmente avec la précarisation des emplois et des statuts. L’automatisation des tâches, les algorithmes, les progrès de productivité, les nouvelles technologies créent de nouvelles richesses et détruisent plus d’emplois qu’ils n’en créent. Sur le long terme, la durée annuelle de travail a baissé et le chômage structurel et conjoncturel augmente. Le plein emploi reste impossible à atteindre et nous oblige à réfléchir à un système politique, économique et social qui assure une égale dignité à tout homme, un travail, une activité et un revenu. 

Le revenu universel est-il une solution, voire la solution ?

Dans la mesure où il est universel, inconditionnel, il permet de promouvoir les valeurs de solidarité, partage, dignité pour satisfaire les besoins essentiels de l’homme. On pourrait alors imaginer un revenu universel versé à tous et un revenu du travail venant le compléter, mais ce système peut questionner sur plusieurs points. Il supposerait qu’au préalable chacun ait un emploi et un travail rémunéré, ce qui reste aujourd’hui un objectif certes souhaitable, mais irréalisable dans l’état actuel des politiques conduites. Le revenu universel est un aménagement du système capitaliste actuel, il ne doit pas permettre aux entreprises de diminuer le montant des salaires sous prétexte que la collectivité apporterait un revenu universel.

Et il y a aura encore une grande échelle sociale entre ceux qui voudront gagner de l’argent pour accumuler des richesses et ceux qui se contenteront du revenu universel complété ou non de petites activités. La recherche de justice sociale, d’égalité, de solidarité devra progressivement diminuer les inégalités. Le lien travail — emploi — revenu est abordé dans la Constitution de 1946. Le travail est présenté comme un devoir, un emploi comme un droit.

Article 5 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».

Article 11 : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Enfin, ce revenu universel serait versé avec un montant à définir, variable ou non dans la vie d’un homme, sous ou sans condition de ressources. La question du financement se pose avec ses sources (fiscalité et taxes, cotisations sociales…) et ses modes de redistribution. Le lien revenu universel – travail ne doit pas entraver la volonté de travailler, ni accroître les inégalités, mais favoriser la justice sociale, la liberté individuelle, la solidarité et l’épanouissement de l’homme tout au long de sa vie.

En conclusion

Le revenu universel doit être un moyen de repenser notre approche du travail  tout au long de notre vie à travers les activités humaines, sociales, bénévoles, économiques. Il doit se faire à partir de nos valeurs humanistes d’égalité, de liberté, de dignité et de solidarité.

Les relations travail – revenu universel sont à repenser et à créer entre utopie et réalisme.

Un nouveau paradigme humaniste, politique, économique et social sera à inventer.

TUA — 2017 

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Questions à l'étude des loges

Considérer la nature comme un bien commun et universel contribue‐il à l’émancipation de l’homme ?

  • La nature est multiple, à la fois minérale, végétale, animale et environnementale. La nature est, étymologiquement, tout ce qui existe, ce qui est inné.
  • Le bien commun est historiquement lié aux biens communaux, c’est-à-dire à la propriété collective. Les biens communs environnementaux universels représentent toutes les ressources naturelles qui doivent être sauvegardées pour préserver et perpétuer la vie sur terre.
  • L’émancipation est le contraire de la dépendance, de la soumission et de la servitude. 

De tout temps l’homme a vécu en osmose avec la nature. L’homme ne peut pas s’émanciper de la nature puisqu’il est la nature. Mais, pour la première fois depuis que le monde est monde, l’homo-économicus peut détruire l’ordre des choses, oubliant ainsi que la nature c’est aussi lui.

La noria technico-financière qui nous domine a prouvé qu’elle était tout à fait incapable de se réformer elle-même. Tel l’apprenti sorcier, l’homme est devenu sa propre victime. Pourtant, les processus qui régulent la stabilité et la résilience du système terrestre sont aujourd’hui scientifiquement identifiés. 

De la marée noire du Torrey Canyon en 1967 à l’accident nucléaire de Fukushima en 2011 sans oublier la catastrophe de Bhopal en 1984, nous pouvons affirmer haut et fort que la transition énergétique n’est pas une option : c’est une nécessité absolue.

Si on excepte les personnes qui sont encore dans le déni du changement climatique, nous savons tous aujourd’hui que, pour être pérenne, l’aventure humaine doit impérativement s’inscrire dans le cadre des lois fondamentales de la nature et de l’évolution. Œuvrer à l’amélioration matérielle et morale de l’humanité implique de mieux comprendre ces lois pour les admettre, pour les appliquer et pour les imposer à nos gouvernants. 

L’homme a montré sa capacité créatrice en développant des techniques formidables, notamment la maîtrise de l’énergie. Il doit maintenant utiliser toute son intelligence en faisant des choix équilibrés pour la satisfaction raisonnable de ses besoins tout en préservant le fragile équilibre de la nature. Il ne suffit pas de considérer la nature comme un bien commun et universel ; il faut que l’impératif écologique devienne le déterminant des politiques publiques. 

Depuis le premier Sommet de la Terre de Stockholm en 1972, le gaspillage des ressources naturelles n’a cessé de progresser au rythme des objectifs de croissance exponentielle des économies ultralibérales. Dans le même temps, et contrairement aux croyances des écolos-sceptiques, cette même croissance a terriblement aggravé les inégalités sociales.

Faisons un rêve, soyons utopiques, pensons l’humanisme en fonction de la survie de l’humanité.

TUA — 2019

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Questions à l'étude des loges

Jusqu’où peut-on aller dans le respect des cultures ?

On… Respect… Cultures… La loge s’interroge d’abord sur les termes de la question qu’elle a choisie.

Pour elle, le « on » dépasse l’indéfini, il est clairement collectif. Il évoque moins les individus que les groupes d’individus (associations, communautés…), que les autorités qui les représentent (nations, organismes supranationaux), qu’une humanité considérée dans sa globalité.

Le « respect » peut-être rapproché d’un autre terme : la tolérance. Il évoque la liberté : la sienne ne doit pas empiéter sur celle des autres, celle des autres ne doit pas empiéter sur la sienne. Il évoque une réciprocité incontournable : je ne peux respecter que ce (ceux) qui me respecte (nt).

Le terme « cultures » est au pluriel et sans majuscule. Les cultures ne sont pas un idéal magnifié, mais une réalité multiforme et complexe, reflet des comportements, connaissances, éducations, valeurs morales, systèmes politiques, religions… propres à des civilisations, nations, regroupements ethniques… La loge distingue les valeurs culturelles (morales, religieuses…) et les contenus culturels (éducation, traditions…), mais réfléchit ici globalement, chaque culture contenant les unes et les autres. Elle fait ressortir…

  • Que dans une même culture peuvent cohabiter des (sous) cultures spécifiques. 
  • Que certaines cultures sont millénaires et d’autres toutes nouvelles.
  • Que certaines sont figées et d’autres évoluent volontairement ou inconsciemment.
  • Que certaines disparaissent et d’autres se mondialisent. 
  • Que les différentes cultures s’imbriquent les unes dans les autres, se complètent, s’opposent, s’acceptent, se rejettent selon les lieux et les temps.

Jusqu’où donc peut-on aller dans le respect des cultures ? 

Quelles sont les limites qu’aucun n’est prêt à ne pas dépasser ? Qui fixe ces limites ? Sont-elles strictes ou malléables ?

La loge souligne que c’est sa propre culture qui fixe, sur son territoire, les limites du respect qu’elle porte aux autres cultures. Ces limites prennent forme dans des lois, règlements et traditions que font appliquer les élus ou leaders politiques et religieux aux groupes, régions, nations, organismes supranationaux… Ces lois, règlements et traditions définissent autant les droits des individus que les devoirs auxquels ils doivent se conformer.

Quand on fixe la limite de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas, on porte un jugement de valeur. Chacun peut porter ce jugement et affirmer que toutes les valeurs ne se valent pas, et que celles qu’on a choisies sont capitales. Montaigne, Lévi-Strauss et bien d’autres ont souligné cette relativité. Chacun, chaque culture, peut alors exiger que, sur son territoire, l’on se plie aux valeurs, droits et devoirs qui y ont été établis.

De fait, le « on » de la question peut entraîner dans une impasse tant les cultures et les valeurs qui les supportent s’opposent ici et là. Ce qui est insupportable pour l’un et la norme pour l’autre, et inversement. Le risque est alors de s’exclure mutuellement, et ce risque est trop souvent la réalité d’aujourd’hui.

Devons-nous alors reformuler la question ? Jusqu’où pouvons-nous aller dans le respect des cultures ?

Dans la mosaïque des cultures, nous, citoyens français, francs-maçons du Grand Orient de France, sommes issus d’une culture judéo-chrétienne, républicaine, démocratique et laïque qui se veut délibérément ouverte sur les autres. Nos mots-clés sont : liberté, égalité, fraternité, tolérance mutuelle, liberté absolue de conscience, laïcité, démocratie, respect de la personne… Ces mots définissent nos valeurs humanistes et structurent nos lois. Ils permettent de nous accepter les uns les autres dans un même espace, de nous côtoyer au quotidien, quelles que soient nos cultures d’origine.

Pouvons-nous respecter des cultures qui n’ont pas adopté ces mots clés, qui ne partagent pas nos valeurs ? Certains Frères de la loge affirment que nos valeurs et mots-clés ont une portée universelle, que si nous n’exigeons pas leur adoption intégrale et immédiate, au moins faut-il montrer la volonté d’y être ouvert, de les prendre en considération. D’autres Frères insistent sur la multiplicité des cultures, sur la difficulté de trouver un dénominateur commun, sur le nécessaire respect que nous devons apporter à la diversité.

Jusqu’où pouvons-nous aller dans le respect des cultures ?

Sur le territoire français, la réponse est simple : nos lois définissent le cadre dont il convient de ne pas sortir. Pour le reste du monde, la tentative la plus aboutie pour trouver une réponse a été faite à la sortie de la Seconde Guerre mondiale quand a été élaborée la Déclaration universelle des droits de l’homme. Seule une cinquantaine de pays l’ont signée. On est loin de l’universalité proclamée ou souhaitée. La question reste donc ouverte.

TUA — 2016

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Questions à l'étude des loges

L’étude du symbolisme est-elle primordiale à la construction du franc-maçon ?

Tradition, Transmission, Transgression, Transmutation…

La tradition s’acquiert par l’étude, pour être transmise, alors seulement peut-être elle transgressée en connaissance de cause afin de réaliser, après un long chemin, la transmutation. L’étude ses symboles trouve évidemment sa place dans la progression de ces quatre « T ».

L’étude des symboles crée un foyer de convergence entre tous les Frères. Elle est une révélatrice qui permet de mieux nous connaître, de libérer la pensée, de nous ouvrir à l’altérité. Dès notre entrée en maçonnerie, nous sommes confrontés à un ensemble impressionnant de symboles qui participent à une construction vivante de chacun d’entre nous, et du groupe que nous constituons en loge. Ils marquent ainsi une renaissance personnelle, mais aussi une adhésion volontaire à un tout : l’ensemble des maçons. Ils nous identifient, nous soudent, nous unifient les uns aux autres, nous transforment en Frères.

L’étude des symboles est aussi une méthode de transmission. Ne pourrait-on pas dire : « Les symboles nous lient dans le temps comme dans l’espace, ils nous viennent du passé et tendent vers l’avenir, par eux nous sommes rattachés à la lignée de nos ancêtres. »   Les symboles sont des clés qui ouvrent les chemins du spirituel. Mais que faut-il étudier ? Les symboles — les clés — ou les chemins qu’ils nous offrent ?

Les clés…  

Elles nous rapprochent de la tradition et donc exigent la compréhension de savoirs antérieurs qu’il nous faut connaître, étudier. Chaque maçon devient alors un herméneute, un exégète,  c’est-à-dire un interprète des textes et symboles sacrés. Symboles d’origine hébraïque, égyptienne, chrétienne, chevaleresque, occultiste… sont autant de sources choisies par nos prédécesseurs. Roger Dachez : « Approfondir la maçonnerie n’est donc pas autre chose que lever ces voiles et déchiffrer ces symboles. Le programme de travail de la loge est centré sur le symbolisme, à condition de bien s’entendre sur ce dont il s’agit. La compréhension des symboles maçonniques suppose une sorte de voyage à travers le temps pour s’imprégner de l’atmosphère culturelle qui a vu naître ces symboles et permet de les éclairer intelligemment. »

Les chemins…

L’étude des symboles, par des rapprochements avec notre propre vécu, nos intuitions, notre culture, nous transforme en interprètes de la diversité et nous ouvre de multiples voies. Chaque symbole peut apparaître avec ses deux faces : celle de la lumière et celle des ténèbres. Notre choix de franc-maçon sera alors de tendre, en connaissance de cause, vers le positif, tout en intégrant que l’approche du négatif est aussi fondamental si nous voulons prétendre à l’universalité. Le symbole devient alors neutre, il vibre. L’ensemble des symboles peut acquérir alors une dimension métaphysique, qui touche à la fois le conscient et l’inconscient. 

La progression de chaque Frère dans l’étude des symboles suit un cheminement personnel. Au début du voyage, c’est souvent le côté vivant qui est retenu. On se laisse porter, on divague, on explore. Puis se crée la connexion avec l’histoire originelle. Alors, d’herméneutisme en égarements, nous retrouvons, tout au long de notre cheminement initiatique, la plénitude des symboles. Ils deviennent vivants et imprègnent le rituel. Ils nous unissent par des liens subtils et nous permettent de construire une pensée agissante.

En conclusion…

Oui, l’étude des symboles maçonniques, dans leur dimension historique comme dans leurs multiples interprétations, est primordiale à la construction du franc-maçon. Nous rajouterons : elle est aussi primordiale à la construction de la loge.

TUA — 2017

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Questions à l'étude des loges

Si la liberté de conscience est absolue, qu’en est-il de la liberté d’expression ?

Si la liberté de conscience est absolue…

La question établit que la conscience jouit d’une liberté absolue. Ce postulat serait cependant à assujettir à une forme d’éducation de cette conscience. Cette éducation aurait pour but de concourir à ce que chaque être humain ait conscience d’être, et qu’il donc libre dans sa construction et son expression. 

La liberté de conscience serait absolue au point que, même dans la pire des dictatures, on pourrait considérer que chaque être humain demeure libre de penser ce qu’il souhaite dans son for intérieur. Personne, avec les technologies actuelles, n’est en mesure de lire dans nos pensées. Par ce simple fait, nous jouissons d’une liberté absolue de conscience. Mais attention à sa manifestation au travers de son expression physique et/ou verbale.

… qu’en est-il de la liberté d’expression ?

Exprimer ses idées peut porter à polémiques. En effet, que ce soit au niveau de la valeur ou que ce soit au niveau du contenu, cela dépend de l’attention que l’on y prête. Les idées que l’on impose de manière fallacieuse et qui de surcroît semblent soit injustes, soit mauvaises, sont perçues comme pouvant nuire à la société. Chacun les reçoit de façon unique et personnelle en fonction de son système de croyances.

Cette perception est à l’origine d’une forme de régulation faite, au sein d’un groupe, dans une société. Ce besoin de régulation a donné naissance à des lois qui fixent des limites en terme d’expression verbale et/ou écrite de notre conscience.

En France, le délit de blasphème n’existe plus depuis la Révolution. La laïcité de l’État est à l’origine de cette liberté d’expression que d’autres pays condamnent jusqu’à une mise à mort de son auteur. En Tunisie, l’appartenance à la franc-maçonnerie expose à la peine de mort. En France, le législateur punit quiconque exprimerait en public des propos racistes, discriminants alors même que nous sommes en mesure d’avoir de telles idées. Nous jouissons donc bien d’une totale liberté de conscience en la matière, et ce même dans les pires dictatures.

Platon, qui avait analysé les politiques de son époque, dénonçait la manipulation opérée par les proches du pouvoir en place. Aujourd’hui, nous avons des lanceurs d’alertes, des « fake news » aux « fake face » récemment dévoilées, qui sont utilisés pour dénoncer tel ou tel fait, et/ou alimenter des théories du complot. 

Si le téléphone, le télégraphe ont permis de rapprocher les Hommes, l’avènement de l’Internet et la transformation digitale de nos sociétés pourraient conduire à des isolements, à des abus, sous le couvert d’une liberté d’expression galvaudée. En un clic de souris, confortablement installés devant l’écran de leur PC ou en tapotant sur leur Smartphone en tous lieux, des groupes, sur des réseaux sociaux, sont en mesure de nuire à un individu, de faire prendre des vessies pour des lanternes à l’échelle de toute une tranche de la population. 

Dans une approche positive, au service de l’Homme, l’Intelligence artificielle, sous une forme ou une autre, est l’avenir de cette digitalisation de tout et de toute chose. Quelle immense avancée technologique que de pouvoir à toutes heures du jour ou de la nuit pouvoir consulter un médecin généraliste ou spécialisé virtuel au travers d’un réseau dédié avec vidéo et son. Demain ce sera un hologramme qui interagira avec vous dans votre salon. Dans cent ans, nous ne concevrons plus de nous passer des systèmes issus de cette Intelligence artificielle toujours plus performante pour ne pas dire efficace, mais attention aux dérives. 

Les Big Data sont potentiellement un réel danger, pour une personne, une nation, une région du globe. Avec les Big Data, l’usurpation d’identité se fait en quelques clics de souris, de lignes de programmation. Tout connaître de tout le monde ce n’est pas le meilleur reflet d’une société humaine bâtie sur le principe du respect de la liberté individuelle. Les Big Data sont au cœur des polémiques. Ils agissent effectivement sur les consciences par la puissance de moyens sans limites : choix des algorithmes, maîtrise de ce qui peut être vendu ou non, mainmis sur la liberté de création littéraire, artistique, voire même, asservissement de l’information. Ils conduisent déjà à une utilisation de données personnelles, non désirée par l’individu et à son insu.

En conclusion

Aussi loin que l’on remonte dans le temps, quand les individus ont eu la possibilité de se rassembler pour faire connaître des idées différentes de celles exprimées par le pouvoir en place, l’utilisation de divers moyens (chansonnettes, pamphlets, etc.), a permis l’expression directe de pensées dissidentes. Ces moyens d’expression continuent d’être utilisés lors de manifestations publiques contre des pouvoirs en place, institutions, employeurs, etc.

Les libertés de conscience et d’expression sont devenues un droit fondamental dans notre société actuelle, inscrites dans le droit à une liberté individuelle. Ce que nous avons tendance à perdre de vue, c’est qu’un droit implique un ou plusieurs devoirs. 

Nous avons le devoir d’éduquer chaque individu sur les bienfaits et les dangers de cette liberté d’expression, mais plus encore de sauvegarder notre liberté de conscience, qui risque de nous échapper si l’Intelligence artificielle, couplée aux Big Data, parvenait à nous mettre en tête, donc en conscience, telle ou telle chose. Cela conduirait à une manipulation de masse des populations qui, instrumentalisées dans leur conscience, exprimeraient des idées avec une véracité apparemment indiscutable pour un profane, mais qui ne seraient pas issues de leur vraie conscience.

Tout, dans notre conscience de francs-maçons, doit nous inciter à la plus grande vigilance, à l’intérieur comme à l’extérieur du Temple.

TUA — 2019