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L’apprenti sorcier

Lorsque l’on parle de l’Apprenti sorcier, certains penseront peut-être à un certain Harry, suivant des études de magie dans un collège de sorcellerie. Les plus âgés penseront plutôt à Mickey en compagnie de balais animés. 

L’expression Jouer à l’apprenti sorcier est entrée dans le langage et la culture contemporaine. Si l’on effectue des recherches sur sa signification, on trouve les définitions suivantes :

  • Personne qui provoque des événements qu’il ne peut contrôler.
  • Personne qui n’évalue pas les conséquences de ses actions.
  • Risquer de déchaîner des événements en cascade, que l’on sera vraisemblablement incapable d’arrêter.

D’autres expressions ont une connotation commune ; comme par exemple Jouer avec le feu  (qui ne sous-entend pas forcément des conséquences indirectes) et Ouvrir la boîte de Pandore  (qui peut définir les conséquences de Jouer à l’apprenti sorcier).

Jouer à l’apprenti sorcier se retrouve assez souvent dans les médias, comme la presse écrite et Internet, venant de journalistes, de politiques et d’internautes. Les domaines de prédilection sont le nucléaire, la biologie (avec la virologie, la bactériologie et la génétique), mais aussi, plus récemment, l’économie.

L’expression évoque les craintes que les hommes ont des conséquences possibles de leurs actes. Ces craintes se retrouvent dans beaucoup de romans de fiction. Des fictions qui se basent le plus souvent, sur le pouvoir technologique qui, par l’imprudence, l’inconscience, ou l’incompétence des hommes, provoque des évènements catastrophiques.

Robert Merle, dans son roman Malevil, décrit un retour à une vie sans technologie, suite à une catastrophe nucléaire.

René Barjavel, raconte le destin tragique d’une civilisation passée, dans son roman La nuit des temps. Dans Le grand secret, il nous conte les conséquences de la découverte d’une immortalité contagieuse.

Le roman de Michael Crichton, Jurassic Park, rendu très célèbre par son adaptation cinématographique, correspond particulièrement à l’expression Jouer à l’apprenti sorcier. Ce roman se base sur les craintes de la société envers les récents progrès en génétique, et décrit les conséquences possibles de manipulations de l’ADN sur des êtres vivants.

Du théisme à l’athéisme, l’interprétation du message véhiculé Jouer à l’apprenti sorcier  est différente. Dans le poème de Goethe, l’apprenti sorcier profite de l’absence de son maître, pour utiliser un pouvoir qu’il ne maîtrise pas.

Pour le théiste, le maître peut représenter l’être suprême, et l’apprenti, l’Homme qui veut se hisser au niveau de son créateur. Pour l’athée, l’interprétation est plus littérale : le maître transmet des connaissances, pour que l’apprenti construise son expérience. Mais l’apprenti tente d’utiliser des connaissances non encore assimilées, et provoque une situation dont il ne peut se sortir seul.

Ces deux interprétations s’opposent particulièrement dans les domaines d’acquisition de nouvelles connaissances :

  • Pour le théiste, l’Homme cherche à acquérir des connaissances réservées. Il ne doit pas choisir cette voie, et ne pas essayer d’empiéter sur les prérogatives de la nature, et donc des dieux.
  • Pour l’athée, l’Homme cherche à acquérir des connaissances, sans maître pour les lui enseigner. Il joue avec le feu, autant qu’il construit l’avenir. Sa responsabilité est de déterminer le bon dosage de prise de risque, et des conséquences potentielles. 

L’interdiction dogmatique, où l’excès de prudence et de doutes stoppe l’innovation. Le mépris des précautions et des conséquences peut exposer l’humanité à des dangers potentiellement très importants.

Pour reprendre ces propos avec une lecture plus nuancée : la peur et le doute sont des freins à la progression et à l’acquisition de nouvelles connaissances. Mais l’excès de confiance aboutit à une connaissance superficielle qui ne permet pas la maîtrise.

La perfection n’étant pas dans la nature de l’Homme, nous avons tous en nous une part d’excès de doute ou de confiance. Selon le sujet abordé, nous aurons une tendance à freiner notre progression, ou au contraire vouloir aller trop vite, et risquer de jouer à l’apprenti sorcier.

Se connaître soi-même permet d’identifier ces tendances, afin d’être pleinement conscient de ses propres penchants. Nous devons tous entrer dans cette étape primordiale et indispensable, pour pouvoir s’améliorer. 

Mais, l’amélioration passe aussi par l’acquisition de nouvelles connaissances, enrichies par l’échange et la confrontation des idées. C’est pour cette raison que le travail d’introspection doit être accompagné d’un travail d’ouverture, favorisant les rencontres et la diversité.

TUA — 2011